Chapitre 18 : Au coeur de l'ennemi

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Yven savait bien que les mages étaient censés le protéger, mais après presque 20 ans passés à garder la frontière, il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir des sueurs froides à s’enfoncer ainsi en territoire ennemi. Ils avaient croisé plusieurs groupes de réanimés et n’avait pu détacher les yeux d’eux et la main de la garde de son épée. Mais rien ne s’était passé. C’était comme s’ils étaient invisibles à leurs yeux. Et il n’était pas à l’aise avec ça. Si cette magie existait depuis tout ce temps, pourquoi ne le savaient-ils pas ? Il repensa à tous ses camarades tombés au combat, tous ces frères qu’il avait dû enterrer.

Son regard quitta un instant le groupe de réanimé qu’il avait aperçu à l’horizon pour tomber sur le dos de Myrek. Celui-ci était en grande conversation avec Ermeline et Aroas semblait y prêter une oreille attentive. Sans aucun doute un autre sujet très ésotérique. Apparemment la magie de Myrek était unique, et ce qu’il faisaient là, une sorte de jonglage entre les mages s’il avait bien compris, était inédit, une première dans l’histoire de la magie. Mais grâce à cela, ils s’étaient déjà bien plus enfoncés dans les Landes que les autres expéditions avant eux. Ou du moins celles qui en étaient revenues.

Il songea un instant qu’ils pourraient très bien ne pas revenir non plus. Que se passerait-il si un des mages était blessé, ou si la fleur fanait ? Pour ce qu’il en savait cela pourrait très bien signer leur arrêt de mort ! Mais il avait déjà réfléchi à tout cela. Il y avait déjà répondu il y a 20 ans de cela quand il avait rejoint la garde de la frontière. Les mots d’Aroas avaient fait mouche, “Est-ce que ce n’est pas déjà une mission suicide de patrouiller les Landes ?”. Son coeur se serra. Cela faisait bien longtemps qu’il avait enfoui tout ça au fond de lui. Son regard revint sur les réanimés, il ne se ferait pas à nouveau surprendre.




“... tu vois, mes travaux m’ont amené à penser que le Flux était en fait bien plus qu’une quatrième dimension, et qu’il y en avait certainement d’autres derrières, et que nous même sommes constitué de toutes ces dimensions mais que nous n’avons pas les organes nécessaire pour voir ces dimensions.”

Aroas tendait l’oreille et buvait les paroles d’Ermeline. Mais il devait l’avouer, s’il commençait à comprendre le jeu de bascule autour de la fleur, et à y arriver de mieux en mieux seul, il n'arrivait pas toujours à suivre les discussions des mages. Son tuteur au domaine de Gélonde devait passer pour un amateur à côté d’eux. Et pourtant il se souvint l’admiration qu’il avait pour lui à l’époque, quand il faisait flotter des objets entre ses mains, qu’il allumait des bougies à distance ou qu’il écrivait à la craie sur le tableau sans s’en approcher. Aroas le savait aujourd’hui, tout cela n’était que tours de passe passe pour impressionner et captiver l’attention d’un enfant beaucoup trop distrait et curieux, mais il n’aurait jamais cru se sentir si démuni face à son ignorance.

Myrek et Ermeline semblaient des puits de savoirs sans fond, et pourtant toutes leurs discussions tournaient inlassablement autour du même sujet. La quantité de choses qu'eux-mêmes ignoraient. La possibilité même d’un jour tout savoir. Alors qu’ils savaient déjà tant de choses ! Durant les quelques jours de leur voyage Aroas en avait déjà appris plus sur l’agriculture, l’artisanat du bois, la joaillerie, les jeux politiques de la Grande Union d’Yvarnes, la géologie, l’art elfique, la navigation à voile, la musique et l’astrologie en les écoutant qu’il n’en apprenait en quatre à cinq fois ce temps avec ses précepteurs ! Il en arrivait à se demander s’il y avait une limite de quantité à tout ce qu’il pouvait apprendre en un temps donné ! Et aussi à se demander s’il serait comme eux après les deux semaines que ce voyage était censé durer !

Deux semaines, c’était tout ce qu’il fallait pour aller et revenir de Namas Cintas. C’était tout le temps qu’il fallait pour atteindre le cœur de ce royaume qui avait du jour au lendemain été effacé de la surface du monde. C’était tout le temps qu’il fallait pour espérer percer un mystère vieux de plusieurs siècles. Et c’était ce temps que personne avant eux n’avait réussi à survivre au cœur des Landes. Il était impressionné qu’une simple fleur en bocal puisse leur permettre de réussir cet exploit. Impressionné de l’ingéniosité et des ressources que ces deux mages pouvaient mobiliser. Et une académie remplie de personnes comme eux existe. Il en avait vaguement entendu parler par ses précepteurs avant son service militaire, mais n’avait jamais eu la compréhension de la magie nécessaire pour comprendre ce que cela pouvait représenter. Il n’avait jamais rencontré de réel mages. Mais il avait maintenant envie d’en devenir un.




Lymel marchait avec ses compagnons, tantôt en tête, tantôt en queue. Il observait Yven avec son visage grave et crispé, Aroas et son visage fatigué mais les yeux étincelants d’étoiles tandis qu’il écoutait Ermeline et Myrek parler. Ceux-ci étaient absorbés l’un par l’autre, et à les écouter on aurait pu toujours se croire à Stepsea, autour d’une table à siroter un thé. Ils semblaient inépuisables à parler tant alors qu'ils traversaient la moitié d’un royaume en ruine. Et quel paysage.

La terre morte avait tué toute végétation, et il en résultait une vision vers l’horizon que seul les formes de la terre coupait. Ils étaient encore loin des montagnes, mais Namas Cintas était située sur une terre très vallonnée, et la capitale n’était pas encore en vue. Mais il suffisait à Lymel de s’élever de quelques dizaines de mètres pour apercevoir les remparts et les tours à l’horizon. Il n’avait pas osé s’y aventurer, il ne s’était que peu éloigné du groupe durant ce voyage, après tout c’était celui qu’ils poursuivaient qui l’avait mis dans cet état, et il pourrait certainement le voir. Il ne voulait pas tenter le diable plus que de nécessaire.




“Nous allons nous arrêter là pour la nuit, cherchons un abri.”

Myrek avait assez naturellement pris la direction du groupe et ils venaient d’arriver dans les ruines d’un village. Pour la plupart des bâtisses les charpenteries s’étaient écroulées, mais les murs tenaient toujours debout, et bien que terni par les ans, l’endroit rappelait durement la vie qui l’avait parcourue. Cela faisait cinq jours qu’ils dormaient en plein désert, et si retrouver un peu de civilisation était rassurant, un silence pesant régnait, à peine interrompu par quelques claquement de portes aux vents.

Ils se décidèrent sur une grande bâtisse rectangulaire au centre du village. L’entrée était surmontée d’un petit porche, des pierres taillées ornaient la façade, et le bâtiment dans son ensemble semblait de bonne facture. Si l’on omettait le côté droit de la charpente qui s’était parsemé de multiples trous, et une partie du premier étage qui s’était effondré. C’était tout de même le bâtiment qui semblait le mieux conservé, et cela fût vérifié quand ils passèrent la porte d’entrée.

Certains meubles s'étaient effondrés avec le temps, mais la plupart des aménagements avaient été faits en pierre. Aroas s'arrêta un instant devant la scène. Au centre de la pièce trônait une grande table en bois entourée de chaises dont la plupart semblaient encore assez solides pour supporter leur poids. Sur la table se trouvaient encore des plats et couverts, vides depuis longtemps, témoins du dernier repas des habitants. Une marmite était toujours dans l’âtre et les ustensiles de cuisine étaient toujours accrochés aux murs. Un coup de balai et nous pourrions cuisiner se dit-il. Et cela lui glaça le sang. Ils étaient chez quelqu’un, une famille vivait là 300 ans plus tôt, et ce qui a rasé le pays les a interrompus en plein repas en figeant la scène pour l’éternité à venir.

“Installons nous là. Yven, j’aimerais faire un tour du bâtiment pour m’assurer que nous ne serons pas surpris dans la nuit, tu m’accompagnes ?”

Le vétéran acquiesça et les deux hommes disparurent dans l’embrasure d’une porte, suivis par Lymel, laissant Ermeline et Aroas dans la pièce principale. Ils s’approchèrent des meubles et objets traînant dans la pièce et les examinèrent.

“Je ne suis pas à l’aise, j’ai l’impression de m’introduire chez quelqu’un…”

Il venait de reposer des dés en ivoire qu’il avait trouvé à même le sol. La peinture des points était partie avec le temps, mais ils auraient pu servir la veille et il pourrait s’en servir à nouveau s’il le voulait.

“Nous ne dérangeront personne. Les habitants de cet endroit ne sont plus de ce monde.”

Cela était sans doute vrai, mais il y avait tant de mystère autour de cet endroit, peut-être étaient-ils toujours dans les Landes à errer sans but depuis trois siècles ? Tout était si bien conservé ici…

Myrek et Yven revinrent de leur exploration les bras pleins de bois cassé. Une grande partie du mobilier était encore présent mais toutes les garnitures avaient disparu avec le temps. C’était comme si les processus de décomposition s’étaient ralentis, supposa Myrek. Les murs, planchers et plafonds semblaient encore suffisamment solides pour tenir le bâtiment quelques décennies voire siècles supplémentaires, et ils retrouvèrent même dans un coffre fort des documents et quelques bourses pleines de pièces. Myrek en avait récupérées quelques-unes pour leur valeur historique, mais le reste était beaucoup trop fragile.

“Ce devait être la maison d’un marchand et de sa famille, nous avons retrouvé les chambres et quelques jouets.”

Yven posa sur la table, l’air sombre, des petites pièces de bois taillées assez sommairement et ressemblant à des navires, pendant que Myrek commença à faire un feu dans l’âtre après avoir regardé si le conduit n’était pas bouché.

“Cela fera l’affaire, mangeons et reposons-nous, nous n’aurons sans doute plus un tel confort avant d’arriver.”



“Réveille toi, Aroas, c’est ton tour.”

Aroas ouvrit les yeux à la lueur du feux. Myrek venait de terminer son tour de garde et ils allaient basculer le sort pour qu’il puisse le garder actif. L’opération se fit sans trop de problèmes, ils avaient pris la main, et encore une fois Aroas sentit un goût infecte, un sentiment de mal être intense, mais il s’y était fait, c’était devenu supportable.

Le sort passé, Myrek alla se coucher et Aroas pris place à l’endroit qu’Yven avait désigné comme étant le meilleur pour monter la garde, c'est-à-dire le porche. Il avait soigneusement inspecté la bâtisse, elle était vide de vie et de non-vie, et c’était la seule entrée praticable, les autres portes et fenêtres du rez-de chaussé étant bloquées, mais par conséquent aussi la seule sortie. Ils étaient en quelque sorte dans une impasse. Ils n’avaient qu’une seule direction à surveiller et se sentaient protégés par des murs, mais ils n’avaient aussi qu’une route de sortie.

Aroas pris place sur les marches et resserra les pans de son manteau. Ne pas avoir la lueur des braises dans son champ de vision lui permettait de mieux voir à la clarté de la lune et des étoiles, mais il était par conséquent tellement loin du feu qu’il subissait de plein fouet le froid de la nuit. Au moins ça le maintiendrait éveillé !

S’ils n’avaient pas été dans les Landes, il aurait pratiqué sa magie en lançant des sort, mais ici le Flux était tellement ténu qu’à part maintenir le sort de Myrek, qui fonctionnait étonnamment bien même dans cet environnement, les mages avaient eu grand peine à faire quoi que ce soit de plus sans s’épuiser. Mais il y avait quand même quelque chose qu’il pouvait faire. Il ferma les yeux pendant quelques respirations, puis les rouvrit.

Il vit alors, superposé à sa vision, comme un voile, un rideau transparent, ambient. Après plusieurs jours d'entraînement, il arrivait de mieux en mieux à “voir” le Flux, et même si en cet endroit il était ténu, il savait qu’il existait par leurs présence en ces lieux. Selon Myrek, le Flux se nourrit du vivant et le vivant se nourrit du Flux. Les deux sont en symbiose et là où l’un est fort, l’autre l’est systématiquement. Il n’est pas tant histoire de savoir qui de l’un alimente l’autre, mais plutôt que les deux s’auto-alimente dans une relation d’interdépendance et d’échange. Et partout où passe le vivant, le Flux en garde les marques. C’est comme ça qu’il avait appris à pister les animaux et les hommes, bien qu’il n’ai jamais “vu” ces pistes jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ces liens dans les rues de Stepsea, jusqu’à ces filins de lumières qu’il voyait entre lui, Myrek et Ermeline vers la fleur.

Il était étrange de voir le monde de cette manière se dit-il. Il voyait les particules de magie qui constituaient le monde autour de lui. Il pouvait les goûter, les sentir, bien que dans les Landes ce ne soit pas une expérience très agréable. Mais sa vue elle lui semblait plus merveilleuse que réellement répugnante. Et à Stepsea le ciel était clair, mais ici dans les Landes, il miroitait de milliers de couleurs mouvantes, comme une mer agitée. Le spectacle était à la fois merveilleux et magnifique. Il en avait parlé les premiers jours à Ermeline et Myrek, mais ils ne semblaient pas aussi sensibles que lui quant à la vision, ce qui n’était pas pour lui déplaire ! Au moins un point sur lequel il les surpassaient ! Sur l’explication cependant, Aroas était bien en peine d’en donner une quand les deux autres avaient déjà exprimé des dizaines d’hypothèses, mais un jour viendra se dit-il.

Il fut interrompu dans ses pensées par des bruits de pas dans son dos. Certainement un de ses compagnons s’étant réveillé. Myrek et Ermeline avaient tendances à veiller très tard, une malédiction des magiciens soit-disant, Aroas fut rassuré de ne pas être seul, et Yven avait beaucoup de mal à dormir confortablement dans les Landes en se reposant sur un bouclier qu’il n’arrivait pas à appréhender et qui ne dépendait pas de lui. D’autant qu’il se sentait mal de ne pas prendre sa part de garde, mais n’étant pas mage, il ne pouvait maintenir le sort sans qu’un des mages soit éveillé avec lui. Il vivait mal de devoir s’appuyer entièrement sur les autres, cela se voyait, et il faisait tout pour se rattraper en journée étant vigilant au moindre mouvement suspect. Aroas ne s'inquiéta pas outre mesure, d’autant qu’il entendait des ronflements.

Cependant, quand les pas se rapprochèrent de la porte et la franchirent, il se rendit compte que c’était bien trop petit pour être un de ses compagnons, et surtout, les yeux brillaient d’un violet malsain à la lueur de la lune. Le cœur d’Aroas manqua un battement et celui-ci se releva brusquement manquant tomber à la renverse. Il chercha son épée de sa main et la rata plusieurs fois avant de réussir à la dégainer, mais sa surprise avait aussi fait vaciller le sort de Myrek, et la créature qui s’avançait sur le porche tourna subitement la tête vers lui.

Le jeune homme se força au calme, il s’était entraîné ces derniers jours et il parvint à reprendre le contrôle du sort tout en tenant sa lame entre la créature et lui mais il était déstabilisé. Ce qu’il avait devant lui était un réanimé certes, mais c’était un enfant. Il ne devait pas avoir la dizaine d'années quand le malheur est arrivé, et ses yeux d’enfants, violet au milieu de son visage décharné et émacié donnèrent à Aroas un haut le cœur.

Le sort stabilisé, la créature sembla le perdre de vue et entreprit de descendre les marches du porche. L’épée resta pointée sur lui tandis qu’Aroas pivotait, mais la créature semblait l’avoir perdu de vue. C’est alors qu’il remarqua ce que l’enfant tenait à sa main. Il tenait le navire en bois qu’Yven avait trouvé.

Lentement et précautionneusement, il se dirigea vers la porte et jeta un coup d’oeil à l’intérieur pour vérifier si le reste du groupe allait bien, mais il entendait toujours des ronflements et Myrek semblait absorbé par ses pensées la tête tournée vers Ermeline, à moins qu’il ne dorme les yeux ouverts ? Pour le vérifier il aurait à quitter des yeux la créature, et… Elle s'était assise à même le sol, devant les marches de la maison, et dans des mouvements incertains semblait… Jouer avec le bateau… Devant l'inoffensivité de la situation, Aroas se détendit petit à petit, relâcha ses muscles tendus et baissa son bras. Il n’en croyait pas ses yeux.

Discrètement, il descendit les marches à son tour et contourna l’enfant. Son visage était inexpressif, il ne restait pas suffisamment de chair sur les visages des réanimés pour exprimer une quelconque expression, mais il jouait avec le bateau et ouvrait et fermait la bouche comme s’il essayait de faire des sons que sa gorge ne pouvait plus produire depuis bien longtemps. Aroas resta abasourdi, interdit devant la situation. Il ne savait que faire, que penser. C’était le premier réanimé qu’il voyait avoir un comportement… Humain ? Et il n’avait jamais entendu parler de cette possibilité alors qu’il avait passé plusieurs mois auprès de la garde du Grand Duché.

Sans réellement savoir pourquoi, Aroas rentra et alla chercher les dés qu’il avait trouvé plus tôt quand ils étaient arrivés. Il les retrouva sans peine et Myrek tourna la tête vers lui, intrigué, mais le jeune homme ne le remarqua même pas. Il ressorti, l’enfant toujours au sol devant les marches de… sa maison certainement ? Il se mit alors assis à côté de lui, à une distance raisonnable tout de même, et lança les dés devant l’enfant. 

Celui-ci arrêta de jouer avec son bateau et tourna la tête vers les dés intrigués, puis vers Aroas, puis à nouveau vers les dés. Qu’il prit et qu’il lança à son tour avant de lever la tête vers le soldat. Prudemment il tendit la main pour les prendre et les relancer, et cela sembla… amuser… L’enfant ? Il ferma les yeux, se concentra et les rouvrit. Il voyait à nouveau le Flux, mais maintenant il pouvait aussi observer ce petit être de près.

Habituellement, quand il regardait ses compagnons, il voyait une lueur, diffuse dans leur corps, un peu la même qu’il voyait quand il regardait Lymel, bien que ce dernier soit plus concentré. Et quand les mages utilisaient la magie, il voyait cette lueur s’amplifier et s’agiter, puis se tendre quand un sort était lancé. Et la teinte de cette lueur était différente pour chaque personne, mais uniforme en chacun. Ce qu’il voyait là était différent. Il existait bien une lueur diffuse dans le corps, une lueur sombre et malaisante, mais ce n’était pas la seule. Car en son centre se trouvait une autre lueur, faible, comme emprisonnée par l’autre, comme étouffée. Une lueur plus innocente. Une lueur qui ressemblait beaucoup à celles qu’Aroas avait vu graviter autour de Myrek.

Celui-ci venait justement de franchir la porte et se tenait sur le palier, interdit comme l’avait été le soldat quelque temps avant.

“Qu’est-ce que…”

Les mots moururent dans sa bouche, le calme apparent d’Aroas le déstabilisait. Combien de temps s’était écoulé depuis qu’il avait réveillé le jeune homme ? Il n’aurait sur le dire, il s’était perdu dans ses pensées en voyant le visage endormi d’Ermeline. Il finit par demander.

“Tout va bien ?”

Aroas lui raconta ce qu’il s’était passé et l’enfant, voyant que le jeune homme ne comptait pas relancer les dés, se remit à jouer avec le bateau.

“Si je devais faire une hypothèse, je dirais que la lueur au centre correspond à qui était cet enfant, et la deuxième au sort qui prend possession de leurs corps. Mais c’est étrange, car ici on dirait que l’enfant contrôle son corps.”

Myrek se sentait bien impuissant. Il n’avait pas les yeux d’Aroas et ne pouvait que supposer face aux informations qu’il lui transmettait.

“Est-ce que tu arriverais à voir d’où vient le sort de contrôle ?”

Le jeune homme concentra son ressenti sur cette lueur sombre qui possédait l’enfant. L’odeur nauséabonde et le goût désagréable l’atteignirent et il senti un mal de crâne poindre. Sa concentration oscilla un instant et le sort de la fleur se trouva déstabilisé un instant. Durant cet instant, l’enfant tourna brusquement la tête vers le jeune homme et la lueur sombre sembla s’activer et rétrécir la lueur innocente. Mais Aroas stabilisa à nouveau le sort et la situation redevint telle que précédemment.

“J’aurais du mal à me concentrer si je dois aussi maintenir la fleur. Tu peux la reprendre ?”

Myrek acquiesça et ils firent la bascule, que l’enfant ne sembla pas remarquer.

“Bon, on recommence.”

Aroas se concentra à nouveau, fût pris des mêmes sensations répugnantes, mais il serra les dents et continua. Il avait du mal à définir une provenance précise, la lueur était interne, comme si l’enfant lui-même lançait le sort, mais en même temps il sentait un échange avec l’extérieur, un échange qu’il ne parvenait pas à percevoir. Il tendit un lien, cherchant à toucher, à appréhender, à trouver la ficelle, mais il ne trouvait rien autour. Inspirant, il tendit alors le lien directement vers la lueur, et alors qu’il fit contact, il perdit connaissance tandis que l’enfant se figeait.

Voyant Aroas s'effondrer, Myrek se précipita sur lui tant physiquement que par le Flux tout en criant à leurs compagnons de se réveiller, ils avaient peut être provoqué quelque chose. Il trouva le lien tiré vers l’enfant et lança un sort pour le couper. Il y parvint, mais au contact avec le lien, ses défenses furent assaillies par ce qui avait dû faire perdre connaissance au jeune homme. Il ferma les yeux un instant.

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