Chapitre 15 : La citadelle du bout du monde

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Quand Aroas ouvrit les yeux, il ne reconnût pas la pièce autour de lui. Le plafond, les murs, le lit dans lequel il reposait, étaient faits d’un bois sombre, et le matelas bien trop confortable pour une couchette de soldat. Il avait la tête lourde et se redresser lui demanda un réel effort, mais il pût avoir une vue sur la chambre et la ville à travers la fenêtre. Des toits de briques s'étendaient dans toutes les directions, arrêtés seulement par de hauts murs de pierres qui semblaient s’étendre sur tout le tour de la ville. D’où il était il pouvait apercevoir quelques silhouettes avançant sur les remparts, semblant trop petites au vue de la taille de l’ouvrage.

Il s’appuya sur son bras pour sortir du lit et grimaça. Un bandage lui couvrait le membre en entier, la blessure avait dû être plus profonde qu’il ne l’avait d’abord pensé. Enfilant sa chemise pliée et apparemment lavée qui avait été posée sur une commode proche, il ne pût s’empêcher de soupirer de soulagement. Ils avaient atteint un lieu civilisé, où ils seraient en sécurité. Cette escapade dans les Landes l’avait épuisé et il s’étonnait de voir qu’il avait réussi à rester en vie. Enfin, il supposait toujours l’être ? Il se souvenait des cavaliers, de Lymel, d’une femme. Récupérant ses affaires, il étudia la chambre. D’une taille modeste, elle était aménagée de meubles solides et de nombreuses étagères couvraient ses murs. Dessus reposaient un nombre impressionnant d’appareils en tous genre, d’objets en verre, de mécanismes à l’usage incertain.

Il sortit par la porte et se dirigea vers les voix qu’il entendait depuis qu’il avait rouvert les yeux. Elles semblaient venir d’un étage en dessous. Traversant le couloir, il ne pût s’empêcher de remarquer tous les feuillets répandus sur le sol et les meubles comme s’ils y avaient été jetés. Ils étaient couverts d’une écriture rapide, bancale, de nombreux dessins et schémas, de ratures et de corrections. Il en prit un pour l’examiner, et ne pût reconnaître ce qui y était représenté. Le dessin comprenait des tubes entremêlés à des caissons eux-mêmes reliés à d’autres tubes. Des lignes parcouraient et contournaient l’ensemble, dessinant dans l’espace vide autour de l’étrange machine des arabesques indescriptibles. Seul objet identifiable, une fleur au centre de la machine. Aroas reposa le parchemin et continua d’avancer, Myrek pourrait peut être comprendre ce qu’il a vu, lui n’était qu’un soldat, il en connaissait bien trop peu sur la magie pour tirer une quelconque conclusion.

Descendant les marches, il reconnut la voix du mage.

“Un lien persistait entre l’âme et le corps, et j’ai supposé qu’une fois rompu, il serait libéré, mais non. Et je n’arrive pas à comprendre comment et par quoi il est retenu… Ah Aroas, je me disais bien que j’avais entendu les marches craquer ! Viens là que je te présente ! Voici Ermeline, une collègue, et voilà donc Aroas, un gélondais faisant ses armes à Mérinvieux.”

Myrek était assis à une petite table circulaire dans une cuisine équipée et aussi bien rangée que le couloir à l’étage. En face de lui se trouvait une femme, le dos droit, le menton haut. Si le mage devait être bien avancé dans la trentaine, elle devait seulement l’entamer. Des cheveux blonds retenus en chignon pendaient sur un coin de sa tête et elle rajusta ses lunettes rondes sur son nez quand Aroas pénétra dans la pièce. Sa voix, douce et chaleureuse, faisait avec l’état de rangement de la pièce un étrange contraste à côté de cet air strict qu’elle renvoyait.

“Tu as eu de la chance de t’en sortir, tu avais quasiment atteint ta limite quand nous vous avons rejoint, un peu plus et tu te dissolvait dans le Flux ! Comment va ton bras ? La blessure n’était pas très belle à voir.”

Elle désigna une chaise vide de la main et il s’y installa, 

“J’ai l’impression d’être passé entre des mains expertes, je ne sens quasiment rien !” Elle sourit.

“Parfait alors ! J’ai trouvé une caravane qui partira demain pour Stapsea, ils sont d’accord pour que tu partes avec eux. De là bas tu n’auras pas trop de mal à embarquer je pense, je suis sûre que ton commandant sera heureux de te savoir vivant !”

Elle souleva la théière posée sur la table et fit mine d’en servir au jeune homme, ce à quoi il acquiesça, et un liquide brunâtre et bouillant coula dans une tasse fraîchement posée sur la table, alors que Myrek prenait la parole.

“Merci de m’avoir transporté, c’était très courageux de ta part. J’ai été un peu trop confiant, mais tu t’en es sorti à merveille !”

Aroas reposa sa tasse après s’être brûlé la langue.

“Tu m’avais sauvé juste avant, c’était la moindre des choses.”

Le jeune homme crût voir un instant le visage de Myrek se crisper alors qu’il répondait, mais il écarta rapidement ceci de sa pensée, sûrement un effet de lumière.

“Que s’est-il passé réellement ? Et où sommes-nous ? La dernière chose dont je me souviens est le bruit d’une cavalcade alors que les réanimés nous tombaient dessus.”

Ce fut la femme qui répondit.

“Vous êtes chez moi ! D’ailleurs je ne me suis pas présentée ! Comme a dit Myrek, moi c’est Ermeline, je suis mage ici. J’étudie la faune et la flore, leur comportement est assez… Particulier, à côté des Landes. Toujours est-il que je me promenais dans le jardin près du mur ouest quand j’ai vu une lumière volant à toute allure dans le ciel accompagnée d’une voix qui appelait à l’aide. Je n’avais jamais vu cela de ma vie, je croyais halluciner !”

Un petit rire cristallin emplit brièvement l’espace de la pièce.

“J’ai donc répondu, et la lumière, Lymel, m’a raconté rapidement votre histoire et votre position, et j’ai couru à l’écurie pour prévenir la garde. Eux comme moi étions étonnés que qui que ce soit ai réussi la traversée à pied depuis le Grand Duché jusqu’ici, c’est une première ! Depuis j’essaye de tirer les vers du nez à ce vieux croûton mais il refuse de dire quoi que ce soit !”

Elle lança un regard pas moins accusateur qu’espiègle vers Myrek qui n’attendit pas avant de rétorquer.

“Moi au moins j’assume mes rides !”

Lança-t-il en riant avant de lâcher un “Aïe” sans doute dû à un subtil coup de pied sous la table.

“Plus sérieusement, j’aimerais bien pouvoir t’expliquer comment je fais, mais tu connais ma théorie sur les Flux et les Liens, que ce n’est qu’une interprétation qu’a l’homme d’un phénomène bien plus compliqué. Ce tour tombe pour moi dans la catégorie des magies inexpliquées et inexplicables par cette théorie !”

Myrek hocha des épaules comme pour appuyer son propos.

“Hum… Je suis persuadé qu’on devrait pouvoir y trouver une explication… Si tu voulais bien rester j’essayerais bien de t’étudier…”

Aroas tourna la tête vers Myrek.

“Tu comptes repartir tout de suite ?”

L’air amusé de Myrek fondit rapidement.

“Ton officier a dû te raconter pourquoi vous m’aviez capturé. La profanation de la tombe de Lymel, le sort d’oubli. Si te sauver me vaudra peut être un amendement, il reste que la raison première de mon départ est toujours en route vers Namas Cintas avec en tête l’idée de prendre le contrôle des réanimés, et que je ne connais pas grand monde capable d’y aller sans y attirer la moitié des morts des Landes ! Je ne suis pas sûr que le monde ai besoin d’un mage sans scrupules à la tête d’une armée invincible, la guerre de Namas Cintas avait déjà suffisamment traumatisé les Hommes pour qu’on s’y essaye à nouveau.”

Ermeline fit la moue.

“Mais est-ce bien prudent d’y aller seul ? Regarde, 5 jours dans les Landes et tu t’évanoui ! Si tu es seul personne ne pourra te ramener en lieu sûr ! Reste ici deux jours, trois peut-être, que j’étudie ton sort et que j’essaye de le répliquer ! En plus qu’est-ce que tu pourras faire tout seul face à cet Elyon ?”

Myrek soupira.

“Eh bien soit je réussirai, soit les états du Lyny devront s’unir avec le Grand Duché et le domaine de Gelonde pour à nouveau anéantir Namas Cintas…”

Ermeline allait rétorquer, mais Aroas fut plus rapide.

“Pourquoi ne pas y aller avec une petite troupe ? A Mérinvieux on arrive à rester plusieurs jours dans les Landes sans subir de réel danger, si tu arrives à convaincre Stapsia et le Grand Duché tu pourrais y être accompagné ? Peut-être même par la mer pour éviter les réanimés ?”

Ce fut la mage qui répondit.

“Un être vivant qui reste trop longtemps dans les Landes s’affaiblit et finit par en mourir. Si une telle expédition était montée, à nouveau, ce serait encore un aller simple, comme toutes les précédentes. Et la mer ne permet pas d’échapper à cette règle-ci. La terre des Landes n’a plus de vie, mais elle nourrit quand même toutes ces créatures qui la hante. Et pour ça elle aspire la vie de ce qui est proche, et dedans.”

Myrek parut intrigué.

“Tiens, c’est nouveau ça, tu ne m’en as pas parlé la dernière fois ! Ce sont les fruits de tes travaux récents ?”

Ermeline rit légèrement.

“Récent, récent, je dirais pas. Mais oui c’est ce que j’ai prouvé pendant l’éternité qui s’est passée depuis ta dernière visite !”

Le mage se rembrunit et sembla gêné en répondant.

“Ecoute, je voyage beaucoup, je ne passe pas souvent par ici…”

Pas dupe, la femme relança son regard espiègle.

“Tu n’as qu’à laisser une statuette !”

Elle tira la langue pour appuyer son propos.

 

Aroas avait laissé les deux mages à leurs retrouvailles et était partit se promener en ville. Il avait une journée à attendre après tout, et il se sentait étrangement de trop entre ces deux-là. Dès qu’ils commençaient à parler, il suffisait de quelques phrases pour qu’ils se taquinent, puis reviennent sur le sujet, puis quelques phrases et c’était reparti. Des vrais tourtereaux se dit-il en riant intérieurement. En tout cas, ça changeait de l’air habituellement maussade et renfermé de Myrek. Peut-être n’était-il pas si méchant que cela finalement ?

Ce qui choquait le plus le jeune homme alors qu’il avançait dans les rues au hasard était la présence oppressante des minéraux. Les routes même les plus étroites étaient pavées, des maisons, seuls les volets et portes étaient en bois, ça allait jusqu’à ce que les bancs, murets, décorations, tout était de pierre et d’argile ! L’explication doit être simple se dit-il, si les Landes absorbent la vie, le bois doit pousser difficilement dans les environs, et la pierre doit résister aux assauts des mort-vivants. Y a-t-il seulement des attaques d’ailleurs ? Les murs imposants qui ceignent la ville semblent indiquer que oui mais de ce qu’il sait, les réanimés ne sont pas agressifs en dehors de leur territoire habituellement…

Il venait d’une autre frontière des Landes, mais se sentait pourtant tellement dépaysé ! Les rues s'enchaînaient à angle droit, s’ouvrant sur des voies toujours plus grandes pour d’un coup se serrer à nouveau, révélant places, fontaines, parcs. D’ailleurs comment ces parcs pouvaient-ils être aussi fleuris si la théorie d’Ermeline était vraie ? Et comment cela se faisait-il que les habitants réussissaient à vivre dans cette ville ? Peut-être qu’elle est trop loin des Landes se dit-il.

Il était complètement perdu, tout ceci était extraordinaire. Chez lui on disait que c’était un mage, parce qu’il savait tisser 2 ou 3 liens et sentir le flux, mais il n’avait jamais vraiment reçu d’éducation, et il se sentait bien ignare à côté des deux puits de sciences qui débattaient de la nature du Flux et de la vie avant qu’il décide d’aller se promener. D’ailleurs… Il était perdu, aussi bien mentalement que géographiquement…

Aroas tourna sur lui même, tentant de retracer son chemin mentalement, mais l’exercice n’était pas aisé dans ce dédale de pierre, surtout quand il avait déambulé plus attentif à ses pensées qu’à ses pas. Il respira un bon coup et tenta de regarder dans le flux s’il voyait la piste qu’il avait laissée, mais celle-ci semblait extrêmement ténue, comme si elle disparaissait déjà. Le Flux et ses règles, se dit-il, je n’y comprendrai décidément jamais rien.

Il remonta sa propre piste pendant quelques minutes quand soudain il en capta une autre, qui lui était familière. Mais il n’arrivait pas à se rappeler où il l’avait déjà sentie. Il regarda sa piste à lui, elle s’estompait à vue d'œil, mais il était intrigué. Il n’était pas censé connaître quiconque dans cette ville à par Myrek et Ermeline qu’il venait de quitter, alors qui cela pouvait bien être ? Il décida de suivre la piste alors que le soleil entamait sa descente dans le ciel.

 

Après une dizaine de minutes, Aroas se trouva dans une grande avenue qui semblait traverser la ville de part en part. A gauche comme à droite, il semblait surtout y avoir des forgerons, et le tintement incessant de l’acier contre l’acier n’était pas le plus dur à supporter comparé à la chaleur qui émanait de ces boutiques. Mais par un effet intéressant, sûrement d’architecture, l’air se refroidissait rapidement en allant vers le centre de l’avenue, et un vent assez fort soufflait alors qu’Aroas n’en avait senti quasiment aucun dans tout le reste de la ville. A croire que toute la forteresse avait été soigneusement dessinée.

Mais ce qui attira le regard du jeune homme fût une auberge de laquelle sortait quelque clameur. La rue n’était pas très encombrée, il y avait assez peu de passants pour une ville de cette taille, mais cela ne semblait pas impacter l’établissement qui débordait de clients dans la rue. Et la piste qu’il suivait se dirigeait à cet endroit. Sans plus attendre il s’y précipita.

La pièce était étrangement fraîche comparée à l’air dehors, et il fut presque soulagé en passant la porte. La pièce était assez grande, alignant une dizaine de tables en longueur et quatre ou cinq en largeur selon les endroits. Au centre se tenait un comptoir en arc de cercle derrière lequel s’agitait un gros homme, sûrement le tenancier, et quelques serveuses. Le soleil avait bien avancé dans l'après-midi et l’alcool coulait déjà dans les chopes. Les plateaux virevoltant entre les tables, disséminaient les breuvages. Presque toutes les tables étaient occupées, et le Flux était bien trop perturbé pour qu’Aroas puisse suivre la trace plus en avant. Il ne voyait personne, pourtant il était sûr que la piste se dirigeait là. Il allait se diriger vers le comptoir quand soudain il entendit :

“Aroas ? Aroas c’est toi ?”

Un homme plus grand et plus large que lui enleva sa capuche et se rapprocha rapidement, le prenant dans ses bras.

“Oh bon Dieu ça fait du bien de te voir en vie gamin !”

Le juron valut à Yven des regards méchants des quelques prêtres qui traînaient dans la salle mais Aroas était trop occupé à tenter de se dégager de l’étreinte étouffante de l’homme pour s’en inquièter.

“Yven ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?”

Le jeune homme se sentait étrangement soulagé de retrouver son compagnon d’arme en ces terres étrangères, comme si un poids auquel il s’était habitué tombait enfin de ses épaules.

“L’officier, après nous avoir passé un bon savon pour ne pas avoir mieux veillé sur toi,  a envoyé quelques hommes à différents points de la frontière en espérant arrêter notre bon ami le mage et te retrouver, mais surtout à Mérinvieux ! Il m’a envoyé aussi ici, au cas où, mais je n’aurais jamais cru que vous arriviez à traverser ! Enfin, pas que vous y resteriez, mais que vous feriez demi-tour. J’ai écumé la moitié des auberges de cette foutue ville de pierre et je te trouve enfin ! Bon allez, va t’asseoir, je te ramène à boire et tu vas tout me raconter !”

Aroas prit place à la table que le soldat venait de désigner. Il ne devait pas être arrivé depuis très longtemps puisque sa chope était à peine entamée, et il le rejoignit bientôt avec une autre pleine. Le jeune homme entreprit alors de raconter comment le soir de l’attaque le mage et lui s’étaient échappés, comment ils avaient traversé les Landes, le pouvoir étrange de Myrek qui les rendaient invisibles aux yeux des réanimés, mais aussi qu’il s’était évanoui, la course, le sauvetage in-extremis. Quand il eut terminé, Yven sembla pensif, et Aroas l’entendit marmonner.

“Invisible aux yeux des réanimés… Si on avait aussi ce pouvoir on pourrait nettoyer les Landes de ces monstres, récupérer ces terres, et ne plus avoir peur qu’ils nous tombent dessus à toute heure du jour et de la nuit… Tellement de vies auraient pu être sauvées…”

Remarquant le regard du jeune homme, il se reprit, bu une bonne gorgée et son air jovial revint rapidement.

“En tout cas, je suis heureux que tu t’en sois sorti ! Et en prime tu auras une belle cicatrice sur le bras, tu verras, ça a un charme certain auprès de la gente féminine…”

Il appuya sa remarque d’un rire franc et d’une claque sur l’épaule qui réveilla un peu la douleur de ladite blessure.

“Demain j'envois un message à l’officier et on prend le large ! Je voudrais pas rester ici plus longtemps que prévu, l’air ambiant me fait frissonner, il me met mal à l’aise…”

Le jeune homme acquiesça, mentionna la caravane dont Ermeline avait parlé et attaqua sa boisson qui jusque-là avait patiemment attendu devant lui.

 

Aroas était appuyé à un mur. Il regarda à droite, à gauche, tournant la tête lentement pour ne pas provoquer trop de secousses. Il avait l’impression que le sol tanguait et que son cerveau essayait de sortir de son crâne par ses tempes. Se relevant, il se demanda où il était. Il tourna sur lui-même pour jauger les alentours et du se rattraper à nouveau à la paroi pour ne pas s’étaler. Un haut de cœur le pris.

 

Sa tête était lourde, ses bras aussi d’ailleurs. Ah, et les jambes ! Assis sur un banc, il regardait le sol depuis une bonne demi-heure ? Ou plus peut-être ? Ou moins, il ne savait plus très bien depuis combien de temps il était là, ni même où il était. Levant difficilement la tête, il aperçu de la verdure. Il semblait être assis sur un banc au milieu d’un parc. C’était étonnant, mais il était persuadé qu’il faisait nuit noire, et pourtant, les plantes semblaient luire d’une lumière diffuse. Il y avait comme un halo qui les entouraient, et il flottait dans l’air comme une odeur, sucrée, agréable. Aroas se promena tant bien que mal entre les quelques arbres, intrigué, curieux. Il passait de tronc en tronc, la lumière semblait venir de sous l’écorce, et elle s’enfonçait dans les racines. Il pouvait presque deviner leurs motifs et enchevêtrements complexes sous terre.

Il remarqua d’ailleurs qu’ils semblaient tous liés, comme s’ils puisaient tous dans la même lumière. Et cette lumière, semblait venir de plus loin. Il sorti du parc et vit comme un écoulement sous la rue qui menait jusqu’à la verdure. Il avait l’impression de sentir la lumière le traverser, s’écouler à travers lui pour atteindre les arbres et pourtant c’est comme si elle venait du sol, de sous ses pieds. Il remonta la rue et l’écoulement, et croisa d’autres traits de cette lumière, très fins, mais qui se rassemblaient en de plus gros. Il en voyait s’approcher, s’enfoncer dans les rues adjacentes, et il continua à remonter le flot du premier. Il n’avait aucune idée d’où il allait.

Quand soudainement, les murs qui lui servaient d’appui se dérobèrent, laissant la place à un espace vide. Il venait d’arriver sur une grande place circulaire au centre de laquelle trônait un bâtiment tout en colonnes soutenant un grand dôme de pierre. Mais ce qui était réellement perturbant, était que ce bâtiment semblait être le point de convergence d’une centaine de flux comme celui qu’il venait de suivre, certains entrant, d’autres sortant. Il resta immobile un moment, interdit, ébahi par ce spectacle de lumière qui dansait dans les airs et qui, étrangement, était accompagné d’un cocktail d’odeurs et de sons qui s’était rassemblés le long de son chemin.

Il s’approcha d’un des flux, il donnait l’impression de s’écouler vers le bâtiment. Ce n’était pas tant qu’il le voyait s’écouler, plutôt qu’il le sentait. Il sentait le mouvement dans son être, et… Alors qu’il s’approchait, il vit un filet de lumière naître de son torse et se diriger en se tortillant vers le flux jusqu’à s’y fixer. Il tenta d’y passer la main, de l’attraper, mais c’était comme s’il passait à travers, comme si le filament évitait sa main, comme si ses yeux n’arrivaient pas bien à appréhender la perspective et que sa main passait à côté, alors qu’il aurait juré qu’il essayait bien de la passer au milieu.

Il fut pris d’une nausée et se précipita au mur le plus proche. Un haut le cœur eut raison de sa résistance et il déversa le trop plein d’alcool au sol. Il resta un moment immobile, à reprendre contenance, quand il sentit une présence derrière lui. Il se retourna et se mit en garde comme il pût mais il se détendit très rapidement en voyant une lumière bien plus familière flotter juste devant son visage. Il ne pût s’empêcher de noter une certaine ressemblance entre la lumière qui l’avait conduite sur cette place et celle de Lymel, mais alors que Myrek et Ermeline, semblant sortir du bâtiment, se précipitaient vers lui, ses jambes se dérobèrent et il fut pris d’un autre haut le coeur.

 

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